(( Willem )) Un moment dans le Parc

**Ann O'Nyme**

Jeudi, 14h30

Il faisait beau, il faisait doux; le vent devenait froid et la brise caressait les feuilles des arbres, soulevant les feuilles ocres qui trépassaient sur l’herbe humide. C’était un de ces début d'après-midi e de novembre, calme car à cette heure, les élèves suivaient les élucubrations des professeurs ou s’endormissaient sur un manuel d’astronomie, au fin fond de la Bibliothèque pour ne pas être vu. D’autres, étaient beaucoup plus discret : qui avait envie de prendre une heure, voire deux de retenue pour non présence en cours ? Aucun.
Ann faisait partie de ses personnes physiques qui préférait une lecture dans le Parc tant que le temps s’y prêtait plutôt que d’aller s’enfermer dans une salle sombre pour suivre les explications d’un professeur sur l’art de mélanger les ingrédient d’une potion.

Après le repas du midi, en sortant de la Grande Salle, une flemme l’avait prise, comme ça, sans prévenir. Alors la jeune fille avait pris son sac, ses livres, à manger et n’avait pas suivi ses camarades de classe. Elle n’avait pas non plus emprunté la porte principale pour se rendre dans le Parc, mais un chemin détourné qu’une autre élève lui avait indiqué quand elles avaient décider de sécher un cours de Métamorphoses. La jeune fille était donc là, assise sur un des bancs qui étaient disséminés dans tout le Parc. C’était un banc très appréciable par sa situation, un vision de la porte si jamais un membre du personnel ayant le pouvoir de la coller se montrait et ainsi elle pourrait prendre ses jambes à son cou pour lui échapper, mais également la protection des hautes branches d’un conifère, protection contre le vent, la pluie.

- Je ne comprendrais jamais l'intérêt des salles de classe quand il fait beau et bon ...

Pour éviter qu’on ne la remarque à cause de ses cheveux, ceux-ci étaient remontés en chignon et couvert par la capuche du sweat noir de la Nasteen, il était ouvert sur un pull gris sombre, et un pantalon tout aussi noir ainsi que des boots de la même couleur complétait l’habillement. Seule fantaisie, une montre à gousset qui pendait au cou de la jeune fille, et apportait son éclat doré à la morosité de la tenue. Dans son habitude, Ann avait replié ses jambes, ouvert une tablette de chocolat noir et pris un livre. Elle s’était plongée dans la lecture, ses gestes étaient rare, ils se limitaient au tournage des pages et à la prise d’un morceau de chocolat. Pourtant, pas un seul de ses mouvements ne produisait de bruit, et elle même n’entendait plus rien, focalisée sur sa lecture. Un élève se serait assise à coté d’elle, Ann ne l’aurait pas remarqué, un professeur la fixerait pour savoir si oui ou non il allait la coller, elle n’aurait pas senti le regard peser sur sa personne. Déconnectée, voilà se qu’elle était; déconnectée du monde réel pour s’immerger dans le monde des rêves et de l’imagination.

[ J’ai pas su faire mieux, désolée ^^’ ]

**Willem Zheim**

____Ce midi-là, après avoir mangé à sa faim, Willem avait envie d'aller faire un tour près du champ de fleurs, afin d'y respirer l'air sucré de l'automne qui touche à sa fin. Il fut étonné de voir la beauté de ce champs qui, à l'inverse des champs de fleurs moldus, avait gardé son éclat et sa couleur. Une grande étendue de tons rouge orangé se dessinaient devant l'enfant ébahi. Il sourit à la vue de cette immense Beauté. Il se prit à rêver d'un monde aux couleurs de ces fleurs, où règnerait la joie et la paix. Où les enfants seraient les propres maîtres de leur existence, où ils pourraient aimer qui ils veulent, sans qu'une force étrangère ne vienne les en empêcher. Ces pensées le ramena à son but. Son entrée dans cette école avait été motivée par la recherche de son passé. Il fallait qu'il commence son enquête. Mais il y avait un soucis de taille. La parole. Willem ne parlait pas beaucoup, il répondait des brides de mots mais n'attaquait jamais une phrase, une conversation de lui même. Il lui faudrait beaucoup de courage et un grand travail sur lui même pour réussir. Il devait peut-être commencer pas là, plutôt que de penser tout de suite à collecter des informations. Oui, il parlerait. Il arriverait à dénouer sa langue, à l'agiter en tout sens, pour produire un son, n'importe lequel, aussi stupide soit-il.
____Le garçon s'assir par terre, sortit du sac qu'il avait sur le dos un morceau de parchemin, une plume et de l'encre. Il commença à tremper la plume, puis à la faire glisser sur le papier. Mais il n'étais pas dans une position qui lui convenait. Il reprit donc toutes ses affaires, avança un peu dans le bouquet de fleurs et quand on le put plus le voir de l'extérieur, il s'allongea entre les tiges, étendit son atelier d'écriture devant lui et recommença à noter. Il fit une liste de toutes les choses qu'il devait faire en ce lieu, partant de "je dois savoir faire des phrases de plus de trois mots", allant jusqu'à "je dois discuter avec des amis de sujets divers et variés". Un énorme pont séparait les deux initiatives. Mais il avait deux ans pour le franchir, ce pont. Lorsqu'il eut terminé d'ajouter, en tout petit, des choses à faire par-ci par-là, entre deux points déjà bien peu espacés, il regarda sa montre. Quoi?! Déjà 14h20!
____Il était en retard. Très en retard. Les cours reprennaient à 14h et lui n'était pas encore parti. Son cours de sortilèges allait lui passer sous le nez, le professeur voudrait sans doute des explications et il n'en avait aucune de valable. C'est donc avec empressement qu'il attrapa ses affaires, les fourra sous son bras et courut en direction du château. Il était à quinze minutes à pied de la grande porte. S'il courrait, il gagnerait cinq bonnes minutes au moins. Il courrut donc, à pas pressés. Ses affaires dégringolaient parfois de sous son bras, l'obligeant à s'arrêter pour ramasser les petites fugueuses. Il plissait les yeux, le vent les lui brulait. Il ne voyait pas très bien où il allait, mais il ne se stopperait pas. A travers les larmes que provoquait le souffle de la nature, Willem réussit à distinguer la grosse porte qui pointait son nez à l'horizon. Plus que quelques pas et il n'aurait que trente-cinq minutes de retard ! Cependant, quelque chose le dévia de sa trajectoire. Son regard avait capté une petite forme toute frèle qui était assise immobile sur un banc, non loin de là. Elle était en retard elle aussi, mais ne semblait pas s'en être aperçu. Il fallaitla prévenir. Le Nissena s'arrêta en perpendiculaire de la porte et de la silhouette. Que faire ? Son tempérament discret et introverti lui interdit d'aller à sa rencontre. Au contraire, sa nature serviable et gentil lui priait de faire quelque chose pour le second élève. Un coup d'oeil vers l'école. Un coup d'oeil vers ce grand arbre qu couvrait la demoiselle _oui, car il se rendit compte, en regardant mieux, que la forme sur le banc était celle d'une fille. Les idées vagues s'entremélaient dans son esprit, ne sachant elle même pas ce qu'elles signifiaent. Il fallait prendre une décision. Maintenant. Où son temps de retard n'en serait qu'aggravé.

____Tic. Tac. Tic. Tac. Les secondes s'écoulaient, résonnant dans le crâne de Willem.

____Il lâcha ses affaires, ne les regarda même pas tomber. Il courrut près de la jeune fille qui n'avait toujours pas relevé la tête et comprit que les cours avaient repris. Il arriva comme un bolide à côté d'elle, se retint sur son épaule pour ne pas tomber. C'était deux actions en une. A la fois il ne perdait pas l'équilibre et en même temps il pouvait attirer l'attention de l'élève. Il haletait de sa course flamboyante. Quelques gouttes perlaient sur son front. Il les essuya d'un revers de mache, mais le regretta aussitôt. Le bleu uniforme de sa chemise était désormais maculé d'une trainée blanche. Ce n'était pas esthétique du tout.Tant pis, il avait mieux à penser. Il enverrait un courrier à sa mère le soir, l'informant de l'état inquiétant de son habit, la suppliant de lui en acheter un nouveau, celui-ci étant sans doute dans un stade de vie ou de mort, penchant surtout du côté décédé. Retrouvant son attention pour la demoiselle, Willem balbutia :

"Les cours.. Les cours.. Tu as oublié ."

Six mots différents. Wahou. Quel exploit.

**Ann O'Nyme**

Voilà la nourriture qui correspond au livre, qui lui même correspond à l'endroit et au temps se disait Ann en savourant un morceau de chocolat. L'art et la manière de déguster le chocolat, un vaste sujet auquel la jeune ne pensait justement pas à ce moment là. Elle laissait doucement le fragment ébène se dissoudre dans sa bouche. Il était temps de faire une pause dans la lecture.
Le paysage n’avait pas changé depuis les quelques minutes qu’elle était assise là, ni le temps d’ailleurs. Les feuilles colorées se soulevaient, tournoyaient puis retombaient sur le sol, et leur danse reprenait, inlassablement. Par moment, une brise venait caresser les joues et les doigts de la jeune fille. D’habitude Ann ne s’arrêtait pas si tôt dans sa lecture, mais l’alignement des phrases devenaient plus compliqué. Mais cela n’allait pas la stopper. Une dernière pensée, et les mots la happaient de nouveau.

* J’ai oublié d’apporter du café, zut et re re zut. *

Tout se passait bien, jusqu’à un poids qui s’affaissa sur son épaule. Ann sursauta et voyant qu’il s’agissait d’un être humain, un élève à première vue, elle lutta pour ne pas le plaquer au sol. Les personnes qui la connaissait savaient qu’il ne fallait en aucun cas toucher ses épaules, les malheurs qui s’y étaient essayé, par défi ou par inadvertance s’en étaient sorti dans les meilleurs cas avec une épaule démise. Avant de sauter sur le jeune homme, la Nasteen se souvint de sa promesse, être plus tempérée, moins réactive et par extension, moins violente. Ann avait réussi à se contrôler, et respirait profondément. Son “agresseur” lui parlait, d’un ton plutôt saccadé, les mots étaient hachés, marmonnés mais il réussi à se faire comprendre.

"Les cours.. Les cours.. Tu as oublié ."

La façon de parler interpella Ann et elle le vit en sueur, respirant à grands coups. Il avait couru.

- Assieds-toi. Mange.

Sentant venir le malaise, Ann lui tendait un morceau de chocolat, d’un air qui ne méritait aucune réflexion quant à la conduite à suivre. Elle se radoucit un peu en notant que le jeune homme était venu lui annoncer qu’elle était en retard.

- Je sais. Mais quel est le plus intéressant, se calfeutrer dans une salle ou profiter de l’instant tout simplement ?

Ce n’était pas vraiment une question. Juste un avis, une façon de voir les choses. Ann avait beau être une mauvaise élève dans le sens où faire le minimum était son credo; mais elle était avant tout une passionnée de lecture, de philosophie et autres domaine du même genre.

**Willem Zheim**

____Il suffoquait presque. Il n'arrivait pas à reprendre sa respiration. Et la proposition de s'asseoir était bienvenue. Pourtant il y avait toujours le dilemme. Que choisir ? Se reposer un instant, accepter le chocolat de la demoiselle mais ne pas aller en cours, ou frôler la crise et ramper jusque dans sa salle de cours ? Pour n'importe quel individu, le choix était dors et déjà fait. Repos, car dans cet état, il ne pouvait plus avancer. Il n'avait jamais courut aussi vite aussi longtemps et ce sprint l'avait totalement exténué. Une lourde expiration se fit entendre, suivit d'un bruit de postérieur s'affalant sans grâce sur le banc. Il avait tranché. Bien qu'il soit un grand travailleur, assidu aux cours, cette fois-ci, il n'avait pas pu combattre son corps, qui était bien trop faible pour se mouvoir. Il espérait que les profs ne seraient pas trop vilains avec lui. Après tout c'était la première fois. Bon sang Willem, c'est ta première année, tu donnerais n'importe quoi pour rester dans cette école, tu avais promis à ta mère d'être un gentleman obéissant ! Tu ne vas pas te laisser aller pour de sordides problèmes physiques ?! Certes, son corps svelte pouvait facilement supporter les efforts, mais ses pauvres poumons étaient trop petit pour une telle intensité.
____La tête tombée en arrière, les yeux fermés devant ce soleil qui perçait doucement à travers les branches quelque peu défeuillues de l'arbre. Certains rayons illuminaient ses paupières, déversant sur lui une agréable sensation de chaleur. Très infime, mais présente. Ann avait raison, il était très plaisant de rester ici, plutôt que d'être enfermé entre quatre murs avec un professeur parfois lassant. Un soupir de bien-être. Plus de regrets, il resterait là. Jusqu'à la prochaine heure de cours. Elle lui avait proposé du chocolat qu'il avait pris. Il tenait toujours un carré dans sa main, il songea aux méfaits que le soleil produirait sur lui. Il redressa la tête, observa Ann. Il commençait à aller mieux, malgré sa poitrine qui se soulevait encore avec violence. Il porta le délicieux mets à ses lèvres. Le contact du sucré provoqua en lui un déluge de sensation. Que c'était bon ! Il y avait des années qu'il n'avait pas du en manger. Même s'il se souvenait que le noir n'était pas son préféré et qu'il le trouvait amer, en cet instant, c'était le meilleur chocolat du monde.

« Merci. » murmura-t-il, sans avoir la conviction d'avoir été entendu.

____Il savoura encore sur son palet la délicieuse noirceur du chocolat. Il alla jusqu'à s'en lécher les doigts, pour ne pas en perdre la moindre miette. Quand il se souvint de ses pauvres affaires abandonnés sauvagement à quelques mètres de là. Il se leva sans rien dire, et tranquillement cette fois, fit le chemin retour. Il remonta une fois encore ses feuilles et son matériel sous son bras et prit son temps pour revenir aux côtés de la jeune fille. Il posa délicatement son arsenal aux pieds du banc, replia ses jambes façon tailleur, ou petit indien. Les mains posées sur ses cuisses, il attendait. Il n'avait aucune idée de quoi. Puis il remarqua le livre sur les genoux de Ann. Oh. Sa passion ! Quel destin ! Il louchait sur les lignes, comprenait leur sens, mais ne savait pas bien ce qu'elles signifiaient, n'ayant pas lu le début du bouquin. Demander le titre le titillait. Mais il n'osait pas. Il se contenta seulement de suivre le déroulement de l'histoire par son milieu, au rythme de sa compagne d'aujourd'hui.

**Ann O'Nyme**

Ann avait repris sa lecture, un tout petit peu ennuyée par la respiration bruyante de jeune homme, mais il c’était calmé. Heureusement. Quelle idée de courir si l’on en a pas l’habitude ? Surtout pour aller en cours. Quant au fait qu’il l’ai touché là où i ne vaut mieux pas, et qu’Ann n’ai pas mal réagi, la jeune fille préféra le mettre en garde.

- La prochaine fois qu’il te vient à l’idée de courir, et de prendre mon épaule comme un appui salutaire, n’oublie pas que dans la meilleure humeur que j’aurais, je ne te casserai qu’un seul bras.

Elle l’avait murmuré, mais était sûre qu’il l’avait entendu. Un petit sourire, qui ne transpirait ni la gentillesse, et encore moins l’amitié s’imprima sur son visage. Le silence repris place, ponctué des respirations douces des deux élèves, et parfois du brisement d’un morceau de chocolat. Cela donnait une impression de paix, de calme. Seulement, la Nasteen n’était vraiment pas dans cette optique là. Elle sentait le regard du jeune homme sur son livre. Il osait lire par dessus son épaule, ou plutôt, vu qu’il se trouvait assis à coté d’elle, son déchiffrage se faisait indirectement, de travers. La malaise de la jeune fille s’amplifia, et elle finit par fermer sèchement le volume et le lui jeter sur les genoux.

- Je te le prête. Ne l’abîme pas. Le ton n'était pas neutre, mais plutôt exaspéré.

Sur la couverture une tâche orange éclatait au milieu de la verdure et de l’azur. Une jeune femme tenait l’ombrelle, ne semblant pas se soucier du peintre, indifférente aux yeux qui se posaient sur elle. Etait-elle triste ? Préoccupée ? Seul elle le savait, et n’importe qui se faisait son opinion à ce sujet. C’est là l’art des peintres, produire une image, une expression, parfois une réalité mais qui laisse l’imagination vagabonder et faire ce qu’elle fait de mieux, supposer et inventer.
C’était la seconde fois que la lectrice interrompue le lisait, “Une odeur de gingembre”. Il lui était tombé dans les mains à l’aéroport, et la couverture lui plaisait. Immédiatement, elle s’était dite que ça lui ferait une lecture agréable pendant le vol, et c’est ce qui c’était passé. Enfin bon, ce n’était que des souvenirs, futiles. Il valait mieux se concentrer sur le présent. Le présent donc. Un jeune homme était assise à coté d’elle et Ann ne l’avait pas regardé. Il semblait plutôt grand, tout du moins, plus grand que la Nasteen. Ses cheveux étaient de neige, ils lui arrivaient aux épaules et cachaient le visage du Nissena, car c’en était un d'après la couleur du morceau de tissu qui encadrait son cou. C’était la seconde personne qu’Ann croisait et qui avait une telle couleur de cheveux. Peut-être étaient-ils de la même famille ?

* Tiens, il a un pétale dans ses cheveux. *

Délicatement, les doigts d’Ann libérèrent la partie de corolle rouge. Elle posa le végétal dans la paume de sa main, absorbée par les ridules qui parcouraient sa surface.

(( J'ai une inspiration soudaine, et puis c'est un super bouquin ! ))

**Willem Zheim**

____ Il lisait encore, plissant parfois les yeux quand les mots étaient hors de la limite de ses yeux. Les premiers des lignes, situés totalement à gauche, il devait les imaginer. Mais ce n'était pas bien compliqué. Même un novice pourra comprendre une page si on lui enlevait trente mots. Et ayant une grande expérience des livres, Willem réussissait aisément cette tâche de reconstitution. Cependant, il y avait un mot, là, sur lequel il butait. Il se concentra intensément quand la jeune propriétaire du livre murmura comme des menaces. Mes ses mots étaient vocalement si faibles que le garçon ne répondit rien, se contentant de se mordre l'intérieur de la joue. Il commençait bien. Cette fille avait déjà envie de le coupes en deux, alors qu'ils ne se connaissaient même pas. Si la rencontre avec chacun des élèves se déroulait ainsi, il deviendrait vite l'homme à éviter par excellence. Ha non, il ne devait pas. Pour sa quête du Graal, il avait besoin d'alliés.
____D'un coup d'un seul, le livre se referma, pour atterrir violemment sur les genoux de Willem. Il eut une seconde de sursaut et il crut avoir des douleurs dans les cuisses. Ses yeux parurent sortir de ses orbites tant il ne s'y attendait pas. Elle lui prêtait son livre. Quoi?! Comme ça là, d'un coup d'un seul, alors qu'elle était en plein milieu de l'intrigue, elle lui léguait pour un temps? Étrange. Mais plus étrange encore était sa voix. Elle n'était pas joyeuse, plutôt en colère. Il y avait un problème alors. Si cela l'ennuyait, qu'on lui emprunte, elle n'avait qu'à pas le proposer. Mais cela gênait le Nissena. Il n'aimait pas aller à l'encontre des désirs d'autrui. Et prit un temps pour regarder la couverture, car enfin il voyait le titre qu'il n'avait pas osé demander. Il ne comprenait pas très bien le sens de ce dessin, qui n'avait pas d'interprétation particulier mais qui pouvait toutes les avoir. Le titre ne correspondait en rien à l'image. Haussement d'épaule. Tant que l'intérieur était attrayant, l'esthétique n'importait pas. Il le prit dans ses mains et parcourut la devanture avec amour. Ses doigts dessinèrent chacune des lettres de l'intitulé. Que c'était bon de s'imprégner de la sorte d'un monde fabuleux. Il huma l'air doucement, comme si c'était l'odeur du livre.
____ Il n'avait pas remarqué qu'on l'observait. En effet, Ann le dévisageait. Mais il comprit qu'il était épié lorsque deux doigts lui frolèrent les cheveux. Il jeta un regard en biais vers sa camarade qui était finalement plus obsorbée par le pétale qu'elle avait attrapé que pour l'individu en lui-même. Celui-ci leva un sourcil. Puis la jeune fille replongea dans la contemplation de ce qu'elle avait dans la main. Par reflexe, Willem se toucha les cheveux. Au cas où il y en aurait d'autres. Il en profita pour faire passer une mèche derrière son oreille, découvrant ainsi une partie de son visage. Il arbora un sourire et plongea les yeux dans la main d'Ann.

« Merci. » lui dit-il gentiment.

____Il ne savait pas quoi faire. Il n'avait vraiment pas l'habitude de se genre de situation. Il crut que le meilleur moyen pour faire fuir la gêne serait de mordre à pleine dent dans le livre. Enfin, de commencer sa lecture quoi. Mais cela n'était pas poli. Il entreprit donc de le ranger dans son sac. Il prit le plus de temps possible, pour perdre le plus de minutes possible. Quelle idée folle lui avait traversé l'esprit de rester ici avec une inconnu, embêté jusq'u'à la pointe des pieds plutôt que d'aller travailler comme un mulot ?

~~[C'est mauvais, mauvais.. Pardon.]~~

**Ann O'Nyme**

La couleur du pétale était magnifique. Un rouge andrinople, mat et poudreux. Ann reconnaissait la forme, la couleur. Sa mère adorait jardiner, et plu particulièrement, s’occuper des nombreuses fleurs qui s’épanouissaient dans le jardin chaque jour de l’année.

* Près de la porte d’entrée. Je sais, je sais … *

- Camélia !

Ce n’était pas un cri, mais une exclamation sonore. Voilà une chose que la jeune fille avait retenue parmi les leçons régulières de sa mère concernant les plantes. Leçons pas souvent retenues, ni même écoutées, subies en faites. C’est une fleur d’automne, mais il n’y en avait pas dans le Parc. Seulement dans le champ de fleurs, qui était assez loin du château en fait. Et Willem semblait plutôt un élève assidu, du genre qui ne supporte pas de ne pas aller en cours, du genre à repousser ses limites pour être à l’heure. Que pouvait-il faire autant éloigné des salles de cours alors que ce n’était que la pause du midi ? Ann n’hésitant pas à s’occuper de ce qui ne la regardais pas quand elle se posait des questions, interrogea le jeune homme directement.

- Cela vient du champ de fleurs, que faisait-tu là bas alors que c’est assez loin du château ?

Façon d’entamer une discussion peu commune, mais il faut bien commencer par quelque chose n’est ce pas ? Pour ce faire, Ann changea de position, se tournant vers Willem, elle enlaça ses jambes, de façon à pouvoir poser son menton sur ses genoux; dans sa manoeuvre, embêtée par sa capuche, elle l’avait retirée et laissa ses cheveux encadrer son visage. Attendant une réponse, elle le regarda et l’observa. Les cheveux passés derrière l’oreille, le visage du Nissena devenait visible. Des yeux bleus, rien de très particulier, mais finalement, il avait un signe qui le distinguait. Une cicatrice, lui barrant une partie du visage, au niveau de son oeil gauche. La cause, humaine ou pas, qui avait produit cette balafre n’avait pas été précise. Et là, tout de suite, la jeune Nasteen espéra que son interlocuteur n’avait pas trop souffert. C'était assez amusant de voir quelqu'un absorbé par un livre, ne pouvant détacher son regard de la couverture; un peu comme si les mots assemblés étaient des tentacules qui prenaient en otage les pensées.

* Oh merlin, je dois ressembler à ça quand je lis. *

Un air effrayé dû passer brièvement sur le visage clair d'Ann, mais elle reprit très vite ses esprits, la réponse se faisait toujours attendre.

(( Olalala, je suis vraiment nulle en ce moment ... ))

**Willem Zheim**

____La jeune fille s'exclama. Cela attira l'attention de Willem pendant un bref moment. Un regard, surpris. Camélia. Il ne connaissait pas cette fleur. Il n'avait jamais été passionné par elles. Il les trouvait jolies, certaines resplendissantes, mais il se fichait bien de le nom. Comme disait Shakespeare, «Qu'y a-t-il dans un nom ? Ce que nous appelons rose, Par n'importe quel autre nom sentirait aussi bon». Il était vrai. Cette fleur, camélia, aurait la même allure la même senteur et se serait tout autant accrochée aux cheveux du garçon si elle avait eu un nom beaucoup moins beau. Il en était de même pour n'importe quel objet. Et aussi pour les êtres humain. Cette jeune fille devant lui, il ne connaissait pas son nom. S'appelait-elle Sarah, Émilie, Liliane, ou Ann qu'il ne le savait même pas et cela revenait au même. Ce n'était qu'une façon de désigner les choses, pour qu'on réussisse à les distinguer et poser une étiquette sur leurs visages. Le monde serait plus beau si on avait à détailler ce dont on parlait ! Certes, les conversations se feraient longues, mais au moins on ne parlerait pas pour ne rien dire. C'était une idée comme une autre, que Willem partageait à ses heures perdues. Cependant, il était certain d'une chose. Son nom à lui n'était pas du au hasard et n'était pas insignifiant. Il représentait son passé, et ses bons moments. Tant de fois il avait remercié ses parents de lui avoir offert ce prénom si étrange. Son Âme Sœur avait le même prénom. En second, mais il l'avait aussi. Et sans ça, ils n'auraient peut-être jamais ri ensemble pour la première fois. Sans ça, il aurait eu une enfance monotone telle que celle des autres enfants de son école. Pourtant, il ne savait pas si aujourd'hui encore il bénissait son prénom. C'était dur de le porter et de penser à Lui. Mais si agréable de se souvenir. Son prénom n'était pas anodin.
____Soudain, on lui posa une question. D'où venait-il ? Qu'avait-il fait là-bas ? Cela ne regardait pas la demoiselle. Mais il était un jeune homme poli qui répondait aux questions. Faute d'en poser, il se devait au moins d'y répondre. Il haussa les épaules, comme si la question n'avait pas d'importance. Mais la jeune fille ne semblait pas du même avis. Il se positionna de telle sorte qu'elle pouvait aisément le voir et observer ses réactions et son temps de réponse. Lui ne l'apercevait que d'un œil. Elle avait un avantage, une longueur d'avant et il fallait s'y plier. Alors il l'imita. Il se tourna légèrement vers elle, passa sa jambe gauche sous ses fesses, la droite appuyée au sol. Il pencha légèrement la tête sur le côté pour mieux la voir. Oui, ne vous demandez pas pourquoi, il aime basculer la tête, un point c'est tout. Il suivit des yeux les traits de visage de la jeune Nasteen. Ils étaient froids. Son visage entier reflétait l'absence de jovialité. Willem l'avait un peu deviner de par ses propos, mais le voir ne faisait pas le même effet. Et si elle lui posait des questions pour savoir ses habitudes quotidiennes et qu'elle l'attendrait dans un coin, sur un lieu où il se rendait souvent pour venir le massacrer ? Willem eut un frisson. Brr, rien que d'y pensait, ça lui donnait la frousse. Non, tout de même, il la crut jolie sous son masque de glace. Comme une fleur artificielle qui cache son âme. Il osa lu sourire, mais pas trop. Un sourire timide mais enchanté.

« J'écrivais. » répondit-il simplement.

____Il n'était vraiment pas grand bavard. Et cela agaçait un peu les gens. Parfois. Même s'il se souvenait de la liste de bonnes résolutions qu'il venait d'écrire, celle de parler était placée en haut de page. Mais c'était la plus difficile, et là, par son manque total de mots dans sa phrase, il eut une pensée de désespoir. Il était fichu. Il n'arriverait jamais à devenir quelqu'un de normal. Pour compléter sa réponse, il fit un petit signe du menton vers son sac, pour ne pas avoir à se servir de sa langue. En fait, les gestes étaient équivalents aux paroles. S'il apprenait à doser, à reconnaître le juste milieu, cela passerait bien. Il passa une main rapide dans ses cheveux, l'air gêné. De quoi ? Il ne savait trop. Mais il était partagé. Entre la peur de se faire taper pour son absence de conversation, et la gêne que cela occasionnerait de lui parler de lui.

**Ann O'Nyme**

Finalement, il s'était tourné. mais ce n'était pas pour autant qu'Ann le sentait à l'aise. elle savait qu'elle faisait peur. Pourtant, elle ne l'avait ni frappé, et encore moins étranglé, la jeune fille lui avait même offert du chocolat. Non. Parfois elle ne comprenais vraiment pas pourquoi elle faisait peur. Certes les yeux rouges. Enfin bon. Et le voilà qui avait un frisson, un frisson de peur. Tout les frissons étaient différents et Ann excellait dans le domaine qui consistait à deviner à quoi ils correspondaient. Finalement, ce fut un petit sourire qui s'étira sur les lèvres du jeune homme. Ce n'était pas trop tôt pensa t'elle. Après de longues minutes de silence, Ann put entendre le son de sa voix. C'était uniquement la quatrième fois.

* Quelqu'un qui n'aime pas parler ... Original. *

Pour compléter le geste à la parole, son menton s'inclina vers le sac posé un peu plus tôt par terre, mais délicatement. De plus il avait encore répondu sur un ton gentil, forcément, c'était un Nissena. Comment pouvait t'on être tout le temps gentil, tout chez lui transpirait l'amabilité, la contenance. L'inverse de la Nasteen. Et ce n'était pas pour rien qu'ils n'étaient pas dans la même maison. Quelque peu énervée par la douceur qui émanait de son interlocuteur si l'on pouvait parler ainsi du jeune homme qui parlait par mot unique, ou 6 mots, Ann lui posa une sorte de question même si il n'y avait pas vraiment de réponse attendue.

- Tu n'es pas fatigué d'être tout le temps aimable ?

Plongeant ses yeux vermillon dans ceux cobalt de celui qui lui faisait face, Ann souria et lui lanca, hilare :

- Arrête donc, je ne mange pas de chair humaine, je préfère une bonne entrecôte avec une sauce au bleu.

Petite parenthèse d’humour, si l’on pouvait appelé ça comme cela. Ann avait retrouvé son sérieux, ou plutôt sa façade quasi inexpressive du début de leur conversation, seul un léger sourire subsistait. Distraitement, elle attrapa un mèche de cheveux qu’elle sépara en trois et commença à la tresser. Quand est ce qu’elle était allée au champ de fleurs pour la dernière fois ? A bien y réfléchir, c’était la semaine dernière … Etrangement, elle y avait écrit également. Une simple lettre pour ses parents, les rassurer que non, personne n’avait été envoyé à l’infirmerie par sa faute, qu’ils ne recevraient pas d’ici quelques jours une lettre leur annonçant les dégâts matériel qu’aurait causé une colère de leur progéniture. De ce fait, c’était le seul endroit calme où la rédaction d’une missive pouvait se faire à l’heure du déjeuné.

- J’en conviens, c’est un bel endroit pour écrire.

**Willem Zheim**

____La réplique d’Ann sonna comme le glas dans la tête du garçon. En avait-il marre d’être toujours aimable ? C’était comme une attaque mesquine de la jeune fille, provoquant en lui une terreur énorme. C’était un reproche, ça, non ? Et les reproches, il ne les aimait pas. Il faisait de son mieux pour satisfaire les gens, pour paraître joyeux à leur yeux et leur apporter un peu du bonheur qu’il n’avait pas. Il n’avait qu’une envie, celle d’enchanter les autres de son sourire, de ses propos rares mais gentils. Il ne cherchait jamais les disputes et se soumettait aux idées d’autrui pour ne pas se faire gronder, détester. Alors que voulait-elle, par cette phrase, si ce n’est que semer la confusion en Willem. On n’appréciait pas sa gentille. Il n’avait jamais vu ça. Il n’avait jamais été confronté à des personnes si viles qu’elles le piégeaient par toutes leurs paroles. Et Ann semblait faire partie de ces nouvelles personnes, dont il n’avait aucune idée des dégâts sur lui qu’elle pouvait causer. Un instant, l’angoisse passa dans ses yeux. Il cherchait les mots à répondre. Ceux qui le justifierait, ceux qui le délivreraient de cette emprise malsaine.
____Cependant, il n’eut pas le temps de trouver que dire, coupé dans ses pensées par l’hilarité effrayante de la jeune fille. Qu’y avait-il de si amusant à changer de caractère en moins de quelques secondes ? Pourquoi cet air si mauvais planait toujours au dessus de la « blague » ? C’était une très mauvaise plaisanterie. Et Willem parut vexé de cette moquerie. Elle avait décelé en lui sa faiblesse. Certes, tout le monde la connaissait, mais pas sous la forme de peur. On le savait candide, manipulable, mais pas peureux. Il se pensa en cet instant si faible et inutile qu’il eut envie de prendre ses affaires et de s’enfuir en courant comme il était venu, retourner vaquer à ses occupations d’écriture, pour coucher sur le papier ses pensées, ses visions de lui même. Il serra les dents pour refouler une envie de pleurer, là, tout de suite. Pleurer son manque de sûreté, son manque d’assurance, son impossibilité d’être quelqu’un au yeux des autres. Pourquoi était-il devenu cet individu si insignifiant ? Il voulait devenir important, il voulait qu’on l’aime pour lui. Ou alors, s’il ne pouvait avoir cela, il désirait retourner pourrir dans son trou de souris. C’était une histoire à double tranchant.
____La tête inclinée vers le bas, le regard oblique, il posa rapidement ses yeux sur Ann, qui continuait de sourire sans pour autant montrer un visage amusé. Elle était vraiment bizarre cette fille. Et de plus en plus angoissante. Elle semblait pourtant partager avec Willem cet intérêt pour l’écriture, en endroit calme tel que le champ de fleurs. Le garçon trouvait ça glauque, d’avoir des ressemblances telles que celle-ci avec cette étrange personne. Surtout que l’art des mots, il l’aimait par dessus beaucoup de choses, C’était en quelques sortes son refuge, lorsqu’il ne pouvait pas parler aux autres, il se parlait à lui même à travers les pages blanches tâchées d’encre.

« Tu.. Tu aimes aussi écrire ? »

____Il avait pris sur lui. Un énorme effort. Qui lui demanda deux grosses respirations pour se calmer de ces paroles. Il avait durant de longues secondes hésité entre « tu aimes aussi écrire » et « tu aimes aussi cet endroit ». Mais il pensait que la première engagerait une plus grande réponse de la part d’Ann. Et il préférait entendre les autres parler plutôt qu’avoir à le faire. C’est pourquoi il dut sacrifier son silence pour un résultat concret. Il serait muet devant les dires d’Ann, profitant ainsi de cet instant pour reprendre ses esprits et songer qu’il avait entamer le point numéro un de sa liste pour des raisons égoïstes.

**Ann O'Nyme**

Ses nombreuses réparties n’avait pas laissé de marbre son interlocuteur. Et heureusement. Provoquer des sentiments, des émotions, voir mêmes des opinions ; Ann adorait cela, parfois ce n’était pas à son avantage, souvent même. Qu’importe, elle touchait et c’était tant mieux que de faire plaisir tout le temps et de laisser faire les choses pour que personne ne ressente autre chose que de la neutralité.
Attentive à ne pas faire de noeuds dans sa chevelure et tout autant aux diverses mimiques, lueurs dans les yeux du Nissena. Il avait tout d’abord absorbé dans ses pensées, les yeux vides. Une éclat d’anxiété les traversa l’espace d’une seconde. La vexation prit sa place et la tristesse. Une tristesse qui semblait sortir de son corps, de ce grand corps assis, affalé, devant la Nasteen. Elle crut que les prochains mots qui se formeraient de l’air expulsé, de la position des cordes vocales de la langue dans la bouche, collée au palais, claquant sur les dents ; cette suite d’exercice musculaire apprit dans la petite enfance ferait dire quelque chose agressif, ou d’au moins indigné. Que le jeune homme réagirait vocalement au lieu de ne régir que pour lui, qu’il ferait part à la jeune fille de ses sentiments. Et bien non. Ann fut déçue.

« Tu.. Tu aimes aussi écrire ? »

Que ça ? Juste une question ? Rien d’autre à dire ? Ann soupira. Penseuse, elle défit la natte argentée et remit de l’ordre dans ses cheveux et ses pensées. Une question banale, enfin, vu le ton curieux, elle n’était pas de pure formalité mais intéressée. C’était au moins ça.

* Tu n’as donc pas mieux à faire que de te cacher ? *

Sans s’en rendre compte, Ann s’était prise d’affection pour l’être au cheveux de neige qui lui faisait face. Elle l’aimait bien, et le détestait à la fois. Il était calme, posé mais tellement renfermé sur lui même, tentant de ne rien laissé paraître, mais il avait encore du boulot pour arriver au niveau d’impassibilité de la Nasteen. Dans un élan de tendresse, fait assez rare, cependant teinté d’une légère pitié, Ann posa sa main sur la joue gauche et obligea leur regard à se rencontrer. Elle sourit, chaleureusement cette fois, et d’une voix douce mais ferme elle lui dit ce qu’elle pensait.

- Je vais te répondre … Mais ne crois pas t’en sortir comme ça, d’une pirouette simplisme. Tu me donneras ton avis, je te mettrais en colère, je te ferais pleurer s’il le faut mais tu diras ce que tu penses. Affirme toi zut.

Terminant son petit monologue, elle tapota la joue du destinataire de ses paroles et récupéra sa main. Elle s’étira tel un chat, réfléchissant à la question formulée par le Nissena, l’observant d’un oeil. Dans la suite des imitations animalières, vient le cheval, avec l’ébrouement. Les longs cheveux voletèrent et quelques rayons de lumière s’y accrochèrent comme une bernique à son rocher. Ann adorait ses cheveux, leur couleur si particulière. Mais maintenant, plutôt que disserter sur sa chevelure, il fallait répondre.

- J’aime voir l’encre couler de la plume, j’aime entendre le son du métal qui glisse sur le papier, j’aime sentir le porte plume tourner sous mes doigts, j’aime voir les pleins et les déliés se former. Oui je pourrais dire que j’aime écrire dans le sens de former des lettres. Mais malheureusement pour moi, je suis nulle en écriture, dans l’art de former des phrases, dans l’art des mots tout simplement. Ils ne s’accordent pas entre eux pour me donner satisfaction de l’écrit se substituant à la pensée. J’aime écrire, mais les mots ne m’aiment pas. C’est tout.

* Que je parle, que je parle et lui si avare en mots lancés dans l’air. *

- Et toi. Apprécies-tu l’art des mots ? Le pratiques tu ?

* Tu ne pourras pas te faufiler, te dérober. Trois mots ne suffiront pas pour me satisfaire. Tu le sais. Oseras-tu t’enfuir ? Je te retrouverais. *

**Willem Zheim**

____ Willem était exaspérant. Et Ann lui prouvait en soupirant. Il le savait, bon sang, qu'il était insupportable dans une conversation, plus la peine de le lui faire remarquer. Et pourtant, même s'il était conscient de cela, chaque geste exprimant de la déception envers lui, ou de la lassitude l'ennuyait. Il n'aimait pas ça. Un savait que c'était un point en moins qu'il marquait sur la liste des personnes cool. Il aurait voulu hurler, crier, rugir qu'il pouvait être sympa même sans parler. Qu'il était simplement malade et qu'il irait mieux quand il sera guérit. Qu'il était ici en quête et son but était de retrouver l'usage fréquent de la parole. Mais que seulement, SEULEMENT, il avait besoin d'aide. Et de temps. Surtout de temps. Comme ses cordes vocales n'étaient pas assez développées pour pouvoir élever la voix si haut, alors il se taisait.
____ Quelle ne fut pas la surprise lorsqu'il sentit la chaleur d'un corps toucher son visage ! Il était tellement gêné aussi ! Depuis combien de temps déjà n'avait-il pas eut un contact humain ? Il ne comptait même plus les années. Bien sur, quand il effleurait les gens dans la foule, leur marchait par hasard sur les pieds ou leur mettait les doigts dans les yeux pour se frayer un passage (sans faire exprès, bien entendu !) ce n'était pas pareil. C'était tellement bref, tellement rapide que le contact ne s'opérait pas vraiment. Rien ne valait une main chaude qui, de son gré, se plaquait doucement contre la joue. Il frissonna tant cette rencontre lui était étrangère. Et il rougit un peu. Il croisa le regard chaleureux de la demoiselle, et son sourire parcourut ses lèvres. Quelque chose de franc, pour une fois. Comme pour lui dire merci, de lui faire goûter une sensation si agréable qu'il avait depuis si longtemps perdue. Mais elle ne l'interpréterait sans doute que comme un sourire simple. Le son émit par Ann ne lui était pas non plus insensible. Elle paraissait vouloir le motiver, le traîner de force dans le monde réel, lui indiquant le chemin à suivre, lui affirmant qu'elle ne le lâcherais pas tant que ses phrases ne comporteraient pas quelque chose de suffisamment consistant. C'était plaisant à entendre.
____ La jeune fille s'étira ensuite. Willem profita de cette diversion pour changer de position. Il commençait à avoir les jambes engourdies. Il les tendit quelques secondes devant lui. Cela lui donnait un air idiot, il trouvait ça amusant. Ensuite, il les plia et posa ses pieds sur le bord du banc. Son postérieur prenait de la place, mais il restait de petits centimètres où poser les talons. Les genoux à hauteur du nez ne lui cachaient pas la vue. Il enlaça ses jambes de ses bras, afin de garder son équilibre et d'éviter une glissade pour ses chaussures. Il posa enfin son menton dans le trou formé par les deux articulations de ses membres inférieurs. Il avait une vision rétrécie de l'entrée du château et des jardins alentours. Il ne voyait plus bien les côtés et discernait seulement une silhouette à la place d'Ann. Il entraperçu un mouvement de cheveux, cela faisait comme un rideau qui ondule. Mais il ne pouvait qu'imaginer l'image réelle de ce geste. Tant qu'il dessinait dans son esprit, sa compagne reprit la parole. Elle monologua sur l'art d'écrire, trouvant de superbes façon de dire qu'elle ne savait pas le faire. Ce qui fâcha Willem.
____Il s'indigna intérieurement de ses paroles. Là encore il voulait le lui faire remarquer, lui exprimer le fond de sa pensée. Mais une porte bloquait ce déluge de mots. Une grosse porte blindée dotée de treize cadenas différents, avec une ou deux chaînes bâillonnant le passage et des lames sortant du sol pour qui serait si fou et aurait réussi à déjoué les énigmes des verrous. Cependant, la question première se retournait contre lui. Ann savait qu'il n'aimait pas parler et elle le forçait, comme elle l'avait annoncé. Face enfouie dans ses genoux, Willem plissa le front. De l'extérieur il devait ressembler à une taupe. Là n'est pas le sujet. Alors, dans un souffle, il répondit :

« Oui. »

____ Et voilà. Il avait répondu. Il avait clairement donné son avis sur une question ! Quoi de plus simple et de plus complet que de dire si l'on est en accord ou en désaccord ? Son audace le fit rire. Un rire qu'il étouffa entre la toile de son pantalon.
___Élan de bravoure. Il s'était plu, en cet instant, d'avoir si bien exploré l'alternative du oui et du non. Il relâcha son étreinte, reposa ses chaussures sur l'herbe, eut un haussement d'épaule pour prendre du courage. Il tourna son corps entier vers Ann, obligeant ses jambes à l'accompagner. Elles le gênaient beaucoup aujourd'hui. Si seulement il pouvait les retirer et les revisser tout à l'heure quand il partirait ! Il les fit donc passer, toutes les deux, sous ses fesses, devant se contorsionner pour réussir un tel mouvement. Il posa ses mains sur ses cuisses, redressant son dos. Puis il planta son regard sur Ann, ouvrit la bouche. La referma. Attendit un peu. La rouvrit.

« J'aime beaucoup. Je parle si mal donc j'écris. Toi tu parles bien, tu dois savoir aussi écrire bien. »

____ Combien combien ? Un, deux, trois, quatre, cinq, …. VINGT !! Il avait réussit à aligner vingt mots !! Soupir de soulagement. Il se laissa retomber contre le banc, et passa son coude de l'autre côté du dossier, laissant pendre derrière le reste de son bras. Il était content de lui. Il ne devait plus se défiler.

**Ann O'Nyme**

Impatiente. Maintenant qu’Ann c’était fixée un but - rendre la parole au jeune homme - elle était impatiente. Impatiente de voir les résultats, ou plutôt de les entendre, de savourer les mots comptés qui sortait du Nissena. Aurait-elle la patience ? Aurait-elle le tact suffisant ? Saurait-elle si prendre ? Des questions, des remises en doutes, des énervements, voilà ce qui l’attendrait dans sa mission. Mission qu’elle c’était fixée d’elle même, but à atteindre sans en avoir que faire de l’avis du sujet. Cela lui arrivait parfois, de décider de s’occuper de quelqu’un, d’une personne qu’elle aurait pu croiser dans un couloir sans le remarquer, voir même le rabaisser ; mais il suffisait d’un regard, d’une attitude. Et voilà, une sorte d’amitié, à sens unique quelque fois, prenait forme. Une autre question prit bientôt forme dans son esprit. Question enfantine, question absurde.

* M’apprécie t’il ? *

Il lui arrivait parfois de se poser cette question, de s’inquiéter sur ce que les gens pensaient d’elle. Ann se savait chiante, violente, arrogante, et autres adjectifs tous autant désagréables. C’était une solitaire, moins par envie que par nature. Les personnes ne la détestant point pouvaient se compter sur les doigts d’une main. Peu passaient du temps avec elle, peu la faisaient rire - sauf avec un sortilège -, peu, tout simplement l’appréciaient. Ce n’était pourtant pas faute d’essayer de faire du mieux qu’elle pouvait. Prise dans ces réflexions nullissimes et niaises à souhait, Ann entendit à peine la réponse de celui avec qui elle partageait le banc.

« Oui. »

Aussitôt suivi d’un rire étouffé, un rire naturel qu’il voulait cacher, garder pour lui tout seul. Ann sourit plus franchement. Et dans un sérieux contrastant avec le rire enfantin, il changea de position et, car il se tenait droit, il domina de sa hauteur Ann, toujours dans la même position, le menton sur les genoux. Se tenant droit comme un i, les mains posés sur les cuisses tel un écolier sage mais le regard planté dans les prunelles rouge de son interlocutrice, il ressemblait à un nageur près à sauter, un peintre hésitant sur son premier coup de pinceau, l’écrivain doutant de sa capacité à aligner les mots. Et il se lança.

« J'aime beaucoup. Je parle si mal donc j'écris. Toi tu parles bien, tu dois savoir aussi écrire bien. »

Tellement de mots, une flopée de voyelles, de consonnes. Ann se redressa comme un ressort et fut debout en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire. Légèrement surexcité, c’était un bon début, elle était heureuse pour lui. Si contente qu’elle ne fit presque pas attention au sens de la phrase.

- Tu vois ! Tu vois !

Pour un peu, la Nasteen l’aurait serré dans ses bras, l’aurait gratifié d’un câlin. Une envie de crier à tous que cet élève pouvait parler, que … Elle s’arrêta de sautiller, le visage plus renfermé, sérieuse, les poings sur les hanches, fixant les pupilles bleues.

- Et qui es-tu ?

Voilà près d’une heure que les deux jeunes gens se faisaient face, et Ann ne savait toujours pas le prénom, l’année, ou encore l’âge de celui qui lui faisait front. Lui non plus ne savait pas en fait. Cela allait se réparer rapidement.

- Pour ma part, je suis Ann, Nasteen, sixième année, 16 ans.

Dit d’une traite, d’un souffle, comme répété, utilisé par habitude. Le minimum pour se faire connaître.

**Willem Zheim**

____Il n’en revenait pas. Il allait battre un record mondial si cela continuait. Et on lui en demandait encore ! Comme si cela ne suffisait pas. Comme si on n’avait pas remarqué son effort immense. Mais vu qu’il avait commencé, il ne devait s’arrêter. C’était un petit pas pour l’humanité mais un grand bon pour l’homme qui reposait en lui. Il sourit, fier. Ann enchaîna ses paroles, lui posant une question totalement bête. Qui il était ? Qui ? Et bien, regardez-le ! Un garçon, de Nissena, qu semblait être assez âgé pour faire parti d’une des deux dernières années. Il avait de longs cheveux blancs, et ne me dites pas que cela ne se voyait pas ! Un regard triste et une tête attendrissante. Il pratiquait la magie, et séchait les cours. Il aimait écrire, et n’aimait pas le retard. Ni parler. Voilà tout ce qu’Ann avait pu voir et entendre, et cela résumait bien son être. Il manquait peut-être un léger détail. Son prénom. Celui la ne se lisait pas sur son visage. Quoi que, si on observait attentivement ses traits, peut-être arriverait-on à calculer un W sur son front, un I lui tomberait près des oreilles, les L seraient les arrêtes du nez, on dénicherait un E sur les plis de sa joue gauche lorsqu’il souriait et le M lui descendrait du menton. Alors voilà, vu qu’il était comme un livre ouvert, il n’avait pas besoin d’exprimer oralement ses mots, puisqu’on pouvait les trouver directement sur ses pages formées de son corps. C’est astucieux comme idée. Mais totalement louche. Et le temps d’expliquer à la demoiselle qu’elle trouverait ses réponses sur son visage, son nombre de mots quotidien serait épuisé. Il écouta donc comment une présentation se faisait. Ann la lui offrit sur un plateau d’argent. Elle récitait comme une formule magique, qui permettrait sans doute un contact plus familier avec la cible du sort. Cela semblait signifier « maintenant que je t’ai décliné mon identité, que tu m’as décliné la tienne, nous voilà unis par les liens des prénoms. » Hop. Amitié formée. NON NON NON. Ce n’était pas concevable.
____ Toutefois, Willem était poli. Il se força à pactiser avec Ann, n’ayant de toute façon pas le choix. Il ouvrit la bouche lentement et en sortit quelques notes.

« Willem. Nissena. »

____Simplement. Qu’y avait-il à ajouter ? Il ne mentionna pas son année d'étude, ni son âge, les deux ne concordant pas. Il avait un an de plus que les élèves de son année. Cela ne se voyait pas, et heureusement. Pourtant, s’il avait évoqué ce détail, soit il aurait passé pour un imbécile de redoublant dans le silence, soit on lui aurait demandé la raison. Et les deux cas, il ne les appréciait pas. Comment expliquer qu’il arrivait à Swelty cette année, qu’il avait été dans une école beaucoup moins prestigieuse avant, et qu’il avait tant donner pour être accepté pour un stupide but de conquête amoureuse ? Cela dévoilerait trop de sa vie, il n’en était pas question.
____ Il tourna la tête vers son poignet, où était entreposée sa montre. Jolie montre, au passage. Et là, ses yeux eurent un soucis. Ils restèrent bloqués sur le chiffre indiqué par les aiguilles. Une heure s’était écoulée et le prochain cours allait bientôt commencer.. Ha non, avait déjà commencé. Depuis trois minutes. Panique, quand tu nous revient… Une cloche sonna dans son crâne, lui révélant ainsi l’absence de son cerveau. Ramène toi, imbécile, Willem a besoin de toi. Hého ?! T’es passé où ? Son cerveau était allé boire un verre dans un pub non loin du château. IMBECILE. C’est toujours quand il est necessaire qu’il n’est plus là. Il avait encore loupé l’heure. Ses yeux s’emplirent de frayeur. Pas la même que celle qui l’avait envahit lorsqu’il avait découvert Ann et son comportement bizarre. Mais la toute première de la journée, lorsqu’il avait déjà regardé cette même montre et avait eu cette montée de stress.

« Il est.. il est.. » bégaya-t-il.

____Et dans un mouvement de désespoir il tendit son poignet sous le nez d’Ann, resta quelques secondes dans cette position, le temps pour elle de lire l’heure. Il reprit son poignet ensuite et baissa la tête.

« Je suis vraiment un imbécile. »

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