Tout a déjà été dit. Sur la naissance, les origines. Cela n'a guère d'importance. Saviez-vous que les Clound se basaient sur un système d'héritiers depuis le Moyen-Age? Les deux premiers enfants portent le fardeau d'être les prochains à régner. Ienzo et Azel sont de ceux-là. Leur mère ne voulait pas que ses jumeaux subissent cette rivalité dès leur petite enfance. Pourtant, elle ne pouvait pas aller contre toutes les règles. Et cela est peut-être mieux ainsi. A présent, leur génitrice est persuadée que c'est ce qui leur permet d'avancer sur des chemins différents sans un regard en arrière. Et, pourtant, l'un pour l'autre, ils détruiraient le monde. Dès qu'ils ont dépassé le stade terrible des un an, leur mère a cessé d'utiliser le terme 'jumeaux' pour parler d'eux. Il n'y avait que Azel et Rain. Dès leur plus tendre enfance, leur lien fut aussi évident que leur jalousie. Une hallebarde placée dans des mains trop frêle, des livres trop simples à lire. Chacun avait tout à envier à l'autre. Cela n'était cependant pas un problème pour leur famille. Cette compétition leur permettait d'être dignes de leur sang. Et aussi de partager des choses impossibles à voir pour le reste du monde. L'apprentissage du sourire permanent, par exemple. Azel étant le plus âgé, et un héritier, c'était à lui de saluer les gens, ceux qu'il détestait. Les riches et mauvais personnages qui habitaient le reste de sa famille. A l'écart, réfugié dans un coin avec les seuls cousins qu'il pouvait souffrir, Rain observa comment son jumeau mentait déjà avant de savoir écrire. Comment les gens le disaient adorable. So annoying~

La marque du feu qui resta sur sa main fut effacée par le temps. Enfin, assez pour que l'on ne puisse plus dire qu'Ienzo avait mis, par accident, le feu à la salle dans laquelle il jouait. Pourtant, la douleur de la brûlure dans son esprit ne le quitta pas. Pas plus que la façon dont son pouvoir lui fut arraché par ce cadet qui lui refusait amis, bonheur et joies. Comment découvrir le monde si quelqu'un s'accroche à vous en pleurant au moindre pas trop brusque? Cela n’était pas juste. Personne ne voyait cette interdiction qui lui était imposée. Aucun héros présent pour le sauver de son sort. Son enfance, Azel fut forcé de la passer seul, dans un coin, à observer un enfant trop arrogant qui n’apprendrait jamais qu’on ne forçait pas l’affection. Son imaginaire fut son meilleur allié dans la lutte de cet ennemi si semblable à lui. A sept ans, Azel glissait des barrettes dans ses cheveux pour pas qu’on le nomme par le mauvais nom. Et lorsque cela arrivait, un sourire, si doux, si désespéré, naissait invariablement sur ses lèvres.

La jalousie, la haine qu’il commençait à ressentir envers Rain se fit de plus en plus visible à cette époque et, un jour, ses petites mains d’enfant poussèrent l’autre dans l’escalier. Pour être franc, le plus âgé s’attendait à des larmes, à une plainte pitoyable. Certainement pas à ce sourire mauvais et aux doigts se refermant sur son poignet pour l’entraîner dans sa chute. Ce fut terrible. Au point que leurs corps heurtèrent le sol, si dur, avec une force suffisante pour faire de gros dégâts. Il lui en voudra toujours pour ça. Pas de l’avoir attiré dans ce piège, mais de lui avoir lancé ce regard, tandis qu’ils tombaient. Ce ‘Tout-est-de-ta-faute !’ si fort et blessant. Les lunettes du plus jeune furent brisées, comme une mise en garde pour ce qui arriverait bien plus tard et un violent choc à la tête le laissa à moitié dans la lune pendant le reste de la journée. La colonne vertébrale de celui qui voulait juste qu’on l’écoute avait été déplacée, pour ne pas dire fissurée. L’opération qui suivit fut magique, simple, précise. De tout manière, rien ne pouvait empêcher les séquelles. Ainsi, jamais son dos ne fut totalement guérit de cela. Au début, Rain ne semblait pas le moins du monde désolé, ce qui était logique, puisqu’il avait été poussé à la base et n’avait donc rien à se reprocher. Pourtant, quelques semaines plus tard, tandis qu’Azel avalait des antidouleurs, le cadet sombra dans une sorte de culpabilité maladive qui l’empêchait de manger ou de faire quoi que se soit. Leu mère, excédée, se contenta de lui balancer un sortilège d’oubli tout en interdisant à Azel de lui dire la vérité. Ce n’était pas juste. Une fois de plus, c’était à lui d’assumer la culpabilité et la douleur tandis que son petit frère s’en tirait innocent, comme s’il était pur. Ce soir là, Azel pleura, longtemps, de colère et de jalousie. Personne ne lui avait demandé pourquoi il avait poussé son frère à la base. S'ils ne furent pas noyé sous une punition des plus terribles, ce n'est que parce que leur mère, d'habitude autoritaire, avait eu trop peur pour songer à cela.

La découverte de ses pouvoirs reste un moment étrangement amusant dans sa mémoire. Peut-être parce que c’est la seule fois de son existence où il n’a pas eu à assumer le poids de son âge, de ces foutues quatorze minutes qui le torturent sans cesse. Et puis, c’était bien fait pour ceux qui avaient osé s’en prendre à sa personne. Cet événement retira la colère provoqué par le précédent. Il n’y a rien de plus réconfortant que de voir votre petit frère projeter vos ennemis contre un mur, surtout si c’est celui de l’école.

En rentrant ce soir là, Azel glisse sa main dans celle de son cadet et lui adresse un sourire aussi sincère que possible. Le sale gosse lui tire la langue mais ce n’est pas dramatique. Après tout, il ne lâche pas sa main.

Leur père leur écrit pour les féliciter. Azel l’apprécie, ce type qui les abandonnés pour découvrir le monde et rapporter ce qui s’y passe. Même s’il n’est qu’un faible et un lâcheur, il est au moins capable d’aller au bout de son rêve. Bon, leur génitrice l’a un brin foutu à la porte quand ils étaient petits mais qu’importe. Et, pour être le premier à lui répondre, il n’hésite pas à voler tous les crayons de Lain. Parce que ce petit rapporteur qui est insolent avec son ton ennuyé adore leur paternel. Et, il est hors de question qu’il gagne, pas encore. Pourtant, lorsqu’il arrive dans sa chambre, il découvre, ahuri, que tous ses parchemins ont disparu. La suite n’est que course poursuite. Des ‘Mais mère, c’est de sa faute !’. Et, au final, c’est Ienzo qui écrit le courrier, alors que Arthur n’est que son beau-père. Mais, pas si fier de sa victoire par forfait, il les laisse signer. Même Rain participe, parce qu’au final, celui qu’il trouve stupide et pitoyable est son père aussi. Ce jour-là, L’aîné des jumeaux décide qu’il adore les lettres. Malheureusement, son opinion à ce sujet change un peu trop rapidement.

Quelques mois plus tard, on lui apprend qu'il va avoir une baguette. Fantastique. Qu'il va entrer dans une grande école de magie. Merveilleux! Et que son frère va aller étudier sur un autre continent. Géni-Quoi?! Ses yeux clignent tandis qu'une myriade de drames se déroulent devant son regard figé par l'incompréhension. Leur mère soupire en disant que c'était cinquante-cinquante. Lain est déjà en train de négocier pour ranger son matériel de musique dans leurs chambres et Rain.... Rain vient de déchirer la lettre d'Azel ainsi que sa liste de fournitures. Adorable, il ne pouvait pas faire ça avec la sienne? Bien sûr que non. Même dans la panique, ce môme reste un sadique. Au final, la situation se calme plus ou moins et il ne reste qu'un silence couvert d'une épaisse couche de colère. Cela trouble celui qui a un grain de beauté sous l'œil gauche parce qu'il ne désirait que ça, de l'indépendance. Et pourtant, il n'y a aucune joie dans son cœur. Juste cette peur incontrôlable qui ne fait que grandir au fond de lui. Cette nuit, il sera dévoré.

L'aéroport est terrible parce que Rain se comporte comme un bébé et s'accroche à lui... Et qu'il fait exactement pareil jusqu'à ce qu'Ienzo le tire en arrière avec assez de force pour les séparer. Larssina, leur charmante génitrice, soupire et leur donne à chacun une claque derrière le crâne en disant qu'ils font honte à la famille. Lorsqu'elle ajoute que ce n'est pas comme si l'avion allait exploser, Ienzo rit. Les jumeaux, non. Ça ne les amuse guère. Pourtant, ce jour-là, ils sont séparés pour la première fois de leur vie. Et ça fait mal. Les larmes ne font que couler sur ses joues dans le train et il ne fait absolument pas attention à la cérémonie, ni aux applaudissements. Il ne veut rien savoir, rien vivre. L'infirmerie devient une sorte de prison dorée où on lui fiche assez la paix. Il n'arrive plus à afficher le moindre faux sourire sur ses lèvres. Pourtant, ce n'est pas faute d'essayer. Et puis, comme un miroir de la situation en Amérique, il se retrouve un jour avec deux garçons qu'il ne connaît pas mais qui le fixent. Enfin, l'un le fait en tout cas. Un blond, au sourire trop grand et au regard perdu, comme s'il y avait un voile devant ses yeux émeraudes Et un autre, plus petit, avec des cheveux noirs et un air timide. Le blond se présente dès qu'Azel croise son regard. Et il parle vite, sans marquer de pause. Angelor Mistry. Celui qui souffre d'une sorte d'hyperactivité depuis un choc à la tête causé par un accident de voiture. Le second garçon, Skylark Skorba, parle une autre langue et Angie rit en expliquant que c'est du Russe et qu'il ne pige pas un seul mot à ce qu'il dit mais c'est pas grave, parce qu'ils sont amis quand même. Et Azel rit, d'une façon étonnamment sincère, parce qu'il ne comprend pas vraiment la situation. Mais, pour la première fois depuis des semaines, il a l'impression d'exister, sans raison.

Rain n'est pas avec lui. Personne ne sait qu'il possède une réplique un peu ratée qui est bien plus visible qu'il ne l'est. C'est une sensation merveilleuse de ne pas être confondu, d'être vu comme un seul individu et pas un tout composé de deux parties. Skylark est à Ravenclaw, comme lui. Angelor à Hufflepuff. Et tout cela est logique. La vie est soudainement simple. Respirer n'est plus une contrainte. Il n'a plus à glisser de barrettes dans sa chevelure. Plus à faire comme s'il était courageux et comme si cela ne lui faisait rien. Aux vacances suivantes, lorsqu'il rentre, il comprend immédiatement que Rain ressent la même chose. La conversation les occupe toute la nuit. Ils sont si sincères entre eux. Pourtant, individuellement, ils mentent d'une façon trop simple. Leurs mains se joignent et ils rient, en se traitant d'idiots. Ils ne sont pas morts, loin de là. Leurs vies viennent de commencer. La veille de la rentrée, Larssina vient le voir. Elle s'assied sur son lit et lui tend une écharpe. Elle l'a faite elle-même, c'est ce qu'elle dit et, pendant un instant, son fils a peur que le bout de tissu tente de l'étrangler dans son sommeil. Lorsqu'elle voit sa tête, sa mère sourit, d'une façon spéciale, un peu hautaine mais douce à la fois, que seule elle possède. Il adore cette pièce de tissu. Elle n'est qu'à lui. Par contre, dès l'instant où il pénètre dans le salon avec, ses stupides frères tentent de l'étrangler en tirant sur les bouts de la pauvre écharpe jaune bordée de noir. Les fourbes!


Les années s'écoulent, lentement. Le calme se fane pour laisser place à une sorte de pression peu agréable. Azel est en troisième année, flanqué de ses deux compères. Ses résultats scolaires sont plutôt bons et il passe d'agréables moment. Puis les sorties à Pré-au-lard deviennent interdites. Des combats ont lieu dans les couloirs. Plus personne ne se sent en sécurité. Et ce n'est pas qu'une minable dispute entre rouges et verts mais une guerre civile qui touche le monde entier. Un jour, tandis que la tension monte de plus en plus dans la grande salle, la porte s'ouvre sur un homme à l'air dur mais familier. Et en voyant Skylark se lever, Azel comprend qu'il s'agit du père de son ami qui a depuis longtemps appris à parler anglais. Le Russe est un des derniers à partir avant les véritables problèmes. Angie explique longuement, avec des mots un brin hésitants que ses parents sont moldus et qu'il a peur qu'en rentrant chez lui ils soient en danger par sa faute. Azel ne répond que par un sourire peu réussi. Il n'a pas eu de nouvelles de sa famille ces derniers jours. Il sait juste que sa petite cousine, Apple, en première année, a été rapatriée chez ses parents.

Une grande bataille a lieu. Dans le monde entier. Et les deux garçons observent le monde se détruire du haut d'une des tours du château. Une qui n'est presque jamais visitée. C'est en observant ce qui se passe en bas avec des jumelles sorcières que Azel le voit. Ienzo. Et sa mère aussi. Ils avancent comme s'il n'y avait personne sur leur passage. Chacun de leurs sorts envoie des gens contre des murs mais ils ne s'arrêtent pas. Et, immédiatement, il attrape la main d'Angie avant de le forcer à courir dans les escaliers, à traverser les combats. Finalement, ils se retrouvent dans la grande salle. Il n'a pas besoin de demander la moindre permission ; Le blondinet va rentrer avec eux. Un élève de dernière année, un vert et argent, lève alors sa baguette vers eux. Et Azel ne voit même pas sa mère lever sa la sienne tellement le geste est rapide. Mais, quelques secondes plus tard, l'adolescent heurte un mur avec une telle force qu'une des pierres se fissure. Larssina ne semble pas plus préoccupée que ça. Elle sait qu'elle ne l'a pas tué. Et ils prennent la fuite, quittant le château sans plus s'en soucier. Une fois dans leur maison, Azel se questionne. Il est un sang-pur, sa mère également. Et elle a tout de même quelques idéaux contre les nés-moldus et Angie est... Pourtant, à aucun moment il n'est question de cela. Elle se penche même vers le blond pour lui dire que tout ira bien et qu'ils vont le déposer chez lui en chemin. En chemin? Face au regard étonné de son fils, la fière mère de famille affiche un air déterminé. En Amérique. Ils vont chercher les deux Clound manquants.

Lorsqu'ils rentrent, deux semaines plus tard. Le silence qui règne dans leur demeure est presque effrayant. Et aucun d'entre eux n'a le courage de le briser. Rain ne parle plus, mais il s'accroche à lui toutes les nuits et Azel sait qu'il ne peut rien y faire. Il n'a pas les bons mots et même s'il les possédait, à quoi bon les dire? Il lui tient compagnie, tout en se disant qu'ils sont arrivés trop tard et que plus rien ne sera jamais comme avant. Pourtant, un marin, son jumeau attrape sa main et il commence à tracer les lettres sur sa paume, un peu trop brusquement, mais c'est mieux que rien. Et, pendant un moment, Azel se contente de ça. Lain ne joue plus de musique, à cause de son état, il a été sévèrement blessé et ce silence n'est pas agréable. C'est pour ça qu'il demande à inviter Angelor, Skylark vivant trop loin, pour l'un des mois de vacances. Cassandre vient aussi quelques semaines. C'est un ami à son frère. Et le blond et le carmin s'entendent très bien. Ils passent leurs soirées d'été dans les rires, les larmes et les souvenirs. Il y a des moments où rien ne va et où personne ne veut parler. Mais ce n'est pas grave.

Égoïstement, Azel est rassuré de ne pas être celui qui n'a plus de voix. Les gens lui parlent bien plus. Mêmes les membres de sa famille, comme sa tante qui vient leur rendre visite. Et, soudainement, en plein milieu d'une conversation avec cette dernière, qui parle de quelque chose qui ne l'intéresse pas, il se met à hurler. A crier assez fort pour que tous le regardent. Il ignore la raison de cette soudaine douleur dans sa poitrine, de ce besoin qu'il a de lui dire de se taire, qu'elle ne sait rien de la guerre dont elle parle, qu'elle ne peut pas souhaiter la mort des nés-moldus, que c'est elle qui devrait mourir. Non, qu'on devrait lui trancher la gorge, comme ça, elle serait silencieuse. Toute seule, ignorée. Mais peut-être qu'elle réaliserait à quel point elle est monstrueuse. A quel point il la hait. Que ce n'est pas de sa faute s'il n'a pas été capable de lever sa baguette. Il ne pouvait pas sauver Lain ni sa propre per-

Ce sont les sentiments de Rain. Il s'en rend compte à cet instant tandis que son regard accroche celui de son cadet, dont les joues sont teintées de larmes silencieuses.
Ils sont jumeaux après tout. De vrais jumeaux liés bien plus qu'eux mêmes ne l'imaginent.


Reprendre le chemin d'Hogwarts est difficile. Son cœur n'a aucune envie de marcher jusque là. C'est pourtant leur seule chance pour un nouveau commencement. Si personne n'y retournait, l'école fermerait. Rain est de nouveau de l'autre côté de l'Océan et, pour la première fois depuis des années, il a un peu peur pour lui. Jusqu'à ce qu'il voit une main lui faire signe, dans la foule. Il sait que c'est pour lui. Il est le dernier à passer les portes de l'établissement. Skylark le regarde, longuement, avant de murmurer quelque chose en Russe. Et, étrangement, l'Anglais comprend le message. Angie sort de nulle part, comme d'habitude et la vie reprend son cours dans cette école à moitié détruite qui a du mal à se laisse reconstruire. Un faux-sourire plaqué sur ses lèvres, Azel observe sans participer, à ce que l'on remet debout. Il y a quelque chose d'étrange à n'être qu'un spectateur. Peut-être que s'il ne touche plus les pierres de l'édifice, il oubliera ce qu'il y a vu. Les premiers mois, ils sont peu. Il n'y a que des silences gênés et des professeurs qui n'existent plus. Un jour, Azel ose poser son regard sur la liste des élèves qui sont morts. Il n'y a aucune distinction d'âge, de maison et encore de mois de sang sur cette plaque commémorative. Tous ces gens qu'il avait croisé, à qui il avait peut-être dit bonjour sans y penser un jour, est-ce qu'ils auraient pu être sauvé? Il ne veut pas le savoir. Ce soir là, il écrit une longue lettre à Leonard, l'ami de Rain, celui qui essaye de se libérer de son présent et de son passé pour avoir une chance avec le futur. Il ne sait même pas pourquoi il fait ça. Il n'a aucune raison d'encourager ce garçon à ne pas abandonner son rêve de liberté, à ne pas juger trop vite. C'est hypocrite, lui-même juge tout ce qui passe devant ses yeux. Pourtant, il envoie ce courrier, sans jamais recevoir de réponse. Ce n'est pas comme s'il en attendait une de toute manière.

Quatorze ans. Il célèbre cet anniversaire sans son frère et cela est toujours aussi pénible. Ils ne s'échangent leurs cadeaux que bien plus tard. Bien sûr, Rain est impatient, ennuyeux et il lui arrache presque son présent des mains. Mais cela ne dérange pas Azel. Après tout, si les choses s'étaient passées autrement, il n'aurait peut-être personne à qui offrir un cadeau. Les vacances de Noël se passent lentement. Et Lain annonce qu'il peut retourner à Swelty. Il y a une certaine froideur entre les deux plus jeunes frères mais ni Azel ni Ienzo ne veulent s'en mêler. Ils laissent faire. Et, à la rentrée, il y a quelque chose d'effrayant à Hogwarts. L'école est de nouveau entière, solide. Mais le jeune Clound la voit bancale et cruelle. Ils ont déplacé la plaque commémorative dans un endroit trop visible, comme si c'était un trophée. Ce n'est pas ça, bien sûr. Mais il ne peut s'empêcher de voir la situation ainsi. Dans le même temps, Angelor et Skylark veulent qu'il leur apprenne la magie noire et même s'il aime ça et qu'il a lu beaucoup d'ouvrages dessus, l'idée de s'entraîner à ça dans ce lieu déjà souillé par les larmes et le sang ne l'inspire pas.

Il commence à ne plus pouvoir respirer correctement là-bas, dans cette école où tout semble devenir son ennemi. Et puis, un jour, Angelor rit tout en se posant devant lui et il clame qu'il doit partir parce que ça ne va pas s'arranger. Et, étrangement, il est d'accord avec lui. Il ne sait pas trop comment le dire à sa mère mais, quelques jours plus tard, après un courrier, Ienzo vient le chercher et il dit au revoir à ses deux meilleurs amis. Il a juste besoin d'une pause. De vivre ailleurs. De ne pas s'enfermer dans sa propre... Honte? Peur? Les deux? La maison lui sert de refuge un moment et il s'entraîne à la magie noire avec son aîné aux cheveux blancs, tandis que la télévision, achetée récemment, diffuse en boucle une série de films moldus bien connus. Ce n'est pas son idée. C'est sa mère qui arrive un matin en lui disant de faire sa valise, parce qu'elle l'a inscrite ailleurs. Il a déjà manqué trois semaines de cours et c'est inacceptable. Peut-être que son jumeau déteint sur sa personne mais il fait la moue, n'ayant guère envie d'aller où que ce soit. Jusqu'à ce qu'elle lui annonce qu'il va à Swelty.

Elle aurait pu le faire des années plus tôt. Ne pas les laisser être séparés. Elle... A l'instant où ses lèvres s'écartent, un doigt se dépose sur elles et Larssina sourit, amusée. Cela n'aurait pas été pareil. Je ne voulais pas que vous viviez une seule existence pour deux. Il comprend. Enfin non, il ne peut que sourire, d'un de ses affreux sourires dénués de la moindre sincérité. Un jour, il comprendra. Mais ce n'est pas aujourd'hui. Il a peine le temps d'envoyer un message pour son frère qu'il doit prendre son petit-déjeuner ; l'avion ne l'attendra pas.


Pour la première fois depuis des mois, ses doigts se serrent sur la croix autour de son cou, celle qui est cachée par son écharpe. Une prière est rapidement récitée tandis qu'il regarde le paysage défiler. Le train n'est pas désagréable mais, de façon impossible à expliquer, il est plus rassuré en avion. Croire, quand on est un sang-pur, c'est complexe. Il ne se souvient même plus exactement de sa découverte de la religion. Sans doute était-ce dans un livre. En tout cas, lorsqu'il a demandé à se faire baptisé, Larssina n'a pas rit. Elle s'est contentée de l'emmener s'acheter une croix. Et elle l'a laissée suivre des cours avec des enfants moldus. Il lui en est reconnaissant. Surtout dans les instants où le courage lui manque, comme à présent. A peine descendu, il se rend compte que personne ne l'attend et un soupir passe ses lèvres. Cela ne l'étonne pas. Il rit, d'une façon fausse mais juste, quand le gérant du train lui demande si ça va aller. Bien sûr que non, quel idiot.

L'endroit ne ressemble pas exactement à ce qu'on son frère lui avait décrit. Sans doute parce que rien ne change ici. A peine entré, il ne sait plus où se rendre. Des gens marchent et personne ne le regarde vraiment. Sans doute parce qu'ils pensent qu'il... Non, les gens ne vont pas penser qu'il est Rain tout de suite. Autant ne pas brusquer les problèmes.

"Azel!"

Le cri le surprend. Et, tandis qu'il cherche d'où il vient, il y a du rouge qui se glisse dans sa vision. Cassandre. Et Leonard, qui semble un peu plus réservé à l'idée de le voir.

"Tu es en retard!"

Et, entre eux deux, bras croisés, se tient une terreur bien connue, avec l'ombre d'un sourire aux lèvres. Et qui vient de lui parler. A cet instant, Azel remercie silencieusement Dieu pour ce miracle. Parce qu'hier encore, il est sûr que son jumeau était muet, en tout cas, il n'a pas parlé de ça dans sa lettre quotidienne. Il y a un silence et le plus âgé des deux laisse un air calme glisser sur ses traits. Pas de sourire, pas de mensonge. Juste un calme qui l'est presque trop. Et il s'avance, après avoir réajusté sa longue écharpe jaune.

"Je suis là, maintenant."

Et c'est tout ce qui importe.