CDJ |

Il y avait un vieil homme, assis dans cette rue, qui vendait un oiseau. Il se tenait avachi sur sa chaise, devant une maison en ruine, dans un quartier délabré. Et il répétait sans cesse qu'il vendait un oiseau.

Dans une cage qu'il tenait sur son genoux gauche, un canari au plumage délavé tentait, de temps à autres, d'imposer sa mélodie. Mais le calme semblait étouffer son chant mirifique.

Un jour vint une jeune demoiselle. Elle avait des cheveux d'un noir qui s'accordait avec merveille aux murs crasseux de la ville. Mais elle portait une écharpe rouge, qui la rattachait avec vigueur à un monde différent de celui dans lequel elle marchait.

Elle s'arrêta devant le vieux monsieur et posa son regard sur la cage, puis sur le canari et enfin, elle croisa le regard de l'homme qui affichait son premier sourire.



Elle lui tendit un billet, sans rien demander, ni le prix, ni quoique ce soit d'autres. Elle ne se présenta pas, ne salua pas, ne fut en rien d'une politesse admirable ou d'une courtoisie parfaite. Ce n'était pas la princesse attendue dans les contes de fée, mais elle convenait. Elle était idéale dans ce rôle qu'elle jouait.

L'homme ouvrit la cage, sans même avoir saisi le billet. De sa main libre, elle saisit sans la moindre délicatesse l'oiseau aussi âgé que son ancien propriétaire. Le temps sembla s'arrêter, l'instant de ce contact.

Et bien qu'elle ne porta aucun regard à ce vieillard, il se mit à rajeunir, tout au long de ce contact fulgurant. Elle touchait l'oiseau, dont le plumage retrouvait son jaune brillant d'origine.



Puis enfin, elle sortit l'oiseau de la cage où il se trouvait. Mais rien ne se passa plus comme il l'aurait fallu. Elle lança l'oiseau dans les airs, et au bout de quelques mètres, celui-ci tomba par terre. Il était redevenu pâle et terne, blanc comme un flocon de neige.

Elle ne reporta pas son regard sur l'homme, qui, couvert de rides, s'était assoupi pour un long sommeil, sur cette même chaise où il avait annoncé sans relâche qu'il avait un oiseau à vendre.



La femme reprit sa marche, son écharpe rouge plus vive que jamais, flottait derrière elle, sans jamais s'effacer. Comme s'il avait été question d'un parfum dont le souvenir ne s'éteint pas.